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Électricité

Engie pointé du doigt pour des factures exorbitantes

Depuis l’automne 2022, des clients d’Engie se retrouvent face à des factures de régularisation de plusieurs milliers d’euros. Entre manque de transparence sur les prix et système d’alerte défaillant, le fournisseur d’électricité est loin d’être irréprochable.

Il faisait bon pourtant en octobre 2022. John Martin s’en souvient très bien car la facture d’électricité qu’il avait reçue alors l’avait d’autant plus surpris. « Pour ce seul mois, Engie me réclamait 400 € », raconte-t-il. Cet infirmier tarbais venait tout juste d’emménager dans un appartement de 45 m2, chauffé à l’électricité. Un frigo, une machine à laver et quelques autres appareils électroménagers tirent aussi sur le compteur, « mais rien qui puisse justifier ce montant, reprend-il. Auparavant, j’étais déjà client d’Engie et je m’en sortais avec environ 80 € par mois. »

John Martin décide de ne plus chauffer que la moitié de son logement. Mais fin décembre, nouvelle douche froide. Sur les deux derniers mois de consommation, Engie lui réclame 1 200 €. Et autant encore deux mois plus tard. « Entre octobre 2022 et septembre 2023, j’en avais pour 5 200 € de facture d’électricité, se désole-t-il, lui qui n’a pas attendu d’en arriver là pour contacter son fournisseur. On me disait que mon compteur avait été hacké ou que j’avais une fuite de courant. En juin, enfin, un conseiller m’explique que les prix du kWh ont changé au moment de mon déménagement. » 

Des prix qui flambent mais des courriers rassurants

Dans son cas, ils ont été multipliés par trois, grimpant à 0,52 € le kWh en heures pleines et 0,28 € en heures creuses. Il se souvient effectivement d’un courrier reçu à cette période qui le prévenait que, compte tenu du contexte d’alors (tensions sur le gaz, faible disponibilité du parc nucléaire, etc.), Engie mettait en place de nouveaux contrats plus protecteurs. « N’étant pas un expert de l’énergie et ayant d’autres soucis alors, je ne m’en suis pas préoccupé outre mesure », concède-t-il.

Ce n’est pas le seul à avoir connu pareille mésaventure. Il y a même un groupe Facebook où ils échangent : « Faisons entendre notre voix contre Engie ». Sa création remonte à bien avant la crise énergétique, « mais il a gagné beaucoup de membres [plus de 3 000 aujourd’hui, ndlr] ces derniers temps avec celles et ceux qui, comme John, doivent faire face à des factures de régularisation très élevées », constate sa fondatrice.

Les histoires sont bien souvent les mêmes. Un déménagement ou un contrat à prix fixe qui arrive à échéance en pleine envolée des prix de l’énergie. Une nouvelle offre se met en place avec des prix largement rehaussés. En soi, rien d’illégal du moment qu’Engie prévient au moins un mois à l’avance de ces changements de tarifs. Oriane a effectivement reçu un tel mail en septembre 2022. Mais la Messine, qui habite un appartement de 52 m², précise que ce courrier, qu’elle nous a transmis, n’aurait rien changé tant il était évasif et se voulait rassurant. « À aucun moment il n’est dit que les prix du kWh me concernant seraient multipliés par trois. De décembre 2022 à juin 2023, j’ai payé 1 385 € d’électricité. Et en partant pour EDF, fin juillet, Engie m’a encore envoyé une facture de régularisation de 1 666 € », nous écrit-elle.

Des mensualités maintenues volontairement basses ?

Ce défaut d’information est un premier reproche que fait le médiateur de l’énergie aux fournisseurs : « Dont effectivement Engie, concerné par beaucoup de litiges sur lesquels nous sommes saisis depuis le début de la crise énergétique. » L’instance, qui a vu passer plusieurs courriers similaires à ceux reçus par Oriane et John, déplore un manque de transparence d’Engie. « La moindre des choses, dans le cas de telles hausses, est de faire figurer clairement l’ancien et le nouveau prix ainsi que le pourcentage d’augmentation, estime le médiateur. Ne serait-ce pour que les particuliers aient le réflexe de regarder la concurrence. »

Mais il y a plus grave encore pour Pauline Lemercier. Cette habitante de Laon (Aisne) a reçu une facture de régularisation de 10 486 € fin 2023. Un an plus tôt, sa famille avait emménagé dans une maison chauffée à l’électricité. Elle s’était vu proposer une mensualité de 129 € par un conseiller Engie après un échange téléphonique pour connaître le profil de la maison et les habitudes du foyer. « Cela nous semblait peu et on s’attendait à avoir une régularisation au bout d’un an mais certainement pas autant, surtout que nous chauffons le plus possible nos pièces de vie avec un poêle à bois », s’indigne-t-elle. Elle soupçonne alors Engie de faire des estimations de facture volontairement basses bien qu’intenables. « Ce nouveau contrat multipliait par cinq le prix du kWh, ce qui ne nous avait pas été dit au téléphone », soupire-t-elle.

Ce témoignage en rappelle d’autres au médiateur de l’énergie, plusieurs fois saisi pour des cas de mensualités sous-évaluées : « Cela concerne particulièrement Eni [qui a aussi son groupe Facebook de clients mécontents, ndlr], mais aussi Engie même si dans une moindre mesure. »

Un manque de transparence corrigé ?

« En aucun cas, nous cherchons à ce que nos clients se retrouvent avec des factures de régularisation très élevées, se défend Cécile Regnault, directrice grand public d’Engie. Nous avons 11 millions de clients et ces situations ne concernent qu’une infime partie d’entre eux. » Elle assure qu’Engie les regarde toutes avec attention, « encore plus depuis que les prix de l’énergie varient beaucoup. Nous contactons nos clients mensualisés pour lesquels on anticipe une facture annuelle bien supérieure aux mensualités jusque-là fixées. Nous leur proposons alors des ajustements que la grande majorité accepte. Mais 5 % les refusent. »

Une partie de ceux qui font face à des régularisations exorbitantes seraient dans ces 5 %, laisse entendre la directrice. « Il y a aussi des clients que nous ne parvenons pas à joindre pour mettre en place un nouvel échéancier », ajoute-t-elle, tout en admettant que le système d’alerte d’Engie a pu, dans certains cas, être défaillant. C’est le cas pour Pauline Lemercier, qui a alerté la presse : « Deux jours après l’article de L’Union, dans lequel Engie reconnaissait des erreurs, j’ai reçu un appel du fournisseur me proposant une remise d’un peu plus de 6 000 € », indique-t-elle.

Et quid du manque de transparence sur les courriers annonçant l’évolution des grilles tarifaires ? « Depuis fin 2023, comme le recommande le médiateur de l’énergie, nous précisons bien sur ces courriers les anciens et nouveaux prix du kWh », certifie Cécile Regnault. « C’est plus facile à faire maintenant que les prix, globalement, baissent », fait-on remarquer à la médiation de l’énergie.

Que faire face à une facture de régularisation importante ?

« Nous appeler », insiste Cécile Regnault, qui nous donne le numéro dédié à la cellule qui traite spécifiquement les cas de factures de régularisation élevées : 01 41 88 90 84. Au minimum est proposé un échéancier pour étaler le remboursement des sommes réclamées. Bien insuffisant pour des clients qui demandent avant tout à comprendre le pourquoi de ces montants exorbitants. Or, Engie ne serait pas toujours dans le dialogue. « On m’a dit qu’il n’y avait pas le choix, qu’il fallait payer, quitte à ce que je me rapproche d’une assistante sociale », fustige Pauline Lemercier. Elle fera opposition au prélèvement le temps d’avoir ces explications. John Martin en a fait de même avant de se décider à commencer à payer une partie, « tant les sociétés de recouvrement, à qui Engie fait appel, étaient agressives. Les SMS devenaient quasi quotidiens, parfois avec la menace qu’on allait réduire la puissance de mon compteur. » Un témoignage qui colle avec plusieurs postés sur le groupe Facebook « Faisons entendre notre voix contre Engie ». C’est quand les messages sont devenus trop fréquents que Pauline Lemercier s’est décidée à alerter la presse locale. Autre option : contacter l'association locale UFC-Que Choisir proche de chez vous ou le médiateur de l’énergie. « Dans la plupart des dossiers, on arrive à des accords à l’amiable », y précise-t-on.

Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

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